Eugène VIOLLET le DUC

Dictionnaire raisonné du mobilier.

1858 - 1875



CORNE, s. f. (cor d'ivoire, olifant, trompe de chasse). Ces instruments sont à peu près identiques par la forme et l'usage. On les portait en bandoulière, et ils étaient fabriqués en bois, en cuir bouilli, en ivoire, en corne et en métal. La structure naturelle à la corne de boeuf, à la dent d'éléphant, avait commandé la forme bien connue de cet instrument à vent, qui ne pouvait donner qu'un nombre de notes très limité, obtenues par un mouvement des lèvres dans l'embouchure. Les chasseurs cependant avaient, dès le XIVe siècle, un certain nombre d'airs notés qu'on sonnait dans cette trompe primitive. La corne variait de longueur entre 0m,50 et 0m,35 ; recourbée, elle était munie d'une embouchure hémisphérique de métal. Ce qui distingue la corne du ménestrel de la corne de chasse et de l'olifant, c'est que la première est percée de trous non seulement le long de son tube, mais autour du pavillon. Cette corne permettait de moduler des airs avec plus ou moins de force, tandis qu'avec l'olifant et la corne de chasse on ne pouvait que donner un petit nombre de notes à plein souffle.

Figure 1.  
Figure 1

Voici (fig. 1) un exemple très intéressant de ce genre de corne spécialement jouée par les ménestrels. Il provient d'un des chapiteaux de la nef de l'église abbatiale de Vézelay1. Ces instruments étaient faits de bois ou de cuir bouilli, comme les douçaines et les secondes flûtes.

Le ménestrel que représente notre figure, et qui s'efforce de charmer un monstre, a pendue à son côté une gigue à trois cordes avec son archet (voy. GIGUE).

Les cors ou cornes de chasse étaient souvent de métal précieux ou garnis richement d'or et d'argent. Siegfried, dans les Niebelungen, porte à la chasse un cor d'or2.

Beaucoup plus tard nous voyons les chasseurs porter la corne de chasse en bandoulière, et cet usage se conserva jusqu'au XVIe siècle.

  Figure 2.
Figure 2

Dans le beau manuscrit, le Livre de la chasse de Gaston Phébus, de la Bibliothèque impériale3, les nobles chasseurs et les veneurs à cheval et à pied ont une corne pendue sur la cuisse droite (fig. 2). La guiche4, pour les veneurs à pied, est croisée par dessous le cornet, par dessus pour les chasseurs à cheval. Ainsi, le poids de la guiche, qui était de cuir revêtu de velours, avec clous dorés ou d'argent pour les nobles et de laiton pour le commun des veneurs, empêchait le cornet de sauter à chaque mouvement de la monture. L'instrument était suspendu à un lacet croisé, ce qui permettait de l'emboucher facilement. Dans ces peintures, les cornes sont indiquées d'un ton gris très foncé, sans agréments, ce qui ferait supposer qu'elles étaient faites de corne ou de cuir bouilli, les objets de métal étant toujours, dans les vignettes de cette époque, colorés en or, en argent, en gris très clair ou en jaune. Outre les clous d'or ou d'argent, les guiches de chasse sont piquées sur les bords de fil blanc. (Voyez, pour les cors d'ivoire, l'article OLIFANT).






Notes :


(1) Premières années du XIIe siècle ; bas côté méridional.

(2) Seizième aventure.

(3) Dernières années du XIVe siècle.

(4) Quiche ou guige, bande de cuir ou d'étoffe à laquelle le cor est suspendu. On dit aussi la guiche de l'écu, pour désigner la courroie au moyen de laquelle l'écu est suspendu au cou (voy. la partie des ARMES, à l'art. ÉCU). - Li Romans de Garin le Loherain, 2e chanson, chap. V (XIIe siècle).