DE L'ORGUE

ET

DE SON ARCHITECTURE





APERÇU HISTORIQUE DE L'ORGUE.

     L'orgue, comme l'a dit un savant physicien1, est une composition immense, qui n'a souvent d'autres limites que la capacité de l'emplacement qu'on lui destine ou la dépense qu'exige sa construction.

     L'origine de cet instrument n'est pas bien connue ; certains auteurs la font remonter à la plus haute antiquité. Saint Augustin en parle dès le Ve siècle. Vers le milieu du VIIIe siècle, on vit, dit-on, pour la première fois, en France, un orgue envoyé d'Orient par l'empereur Constantin Copronyme au roi Pepin le Bref. Cet instrument aurait été placé dans l'église Saint-Corneille, à Compiègne. On sait que, vers l'an 812, Constantin Curopalate, envoya un autre orgue à Charlemagne. On voit un peu plus tard, sous Louis le Débonnaire, un prêtre vénitien établir un orgue hydraulique2 dans le palais de l'empereur, à Aix-la-Chapelle.

     Vers la même époque, il existait un orgue à soufflets dans l'église de la même ville. Quelques auteurs font honneur de cette découverte à l'empereur Théophile, qui vivait dans le VIIIe siècle.

     L'usage de l'orgue paraît d'abord s'être répandu en Allemagne. Le pape Jean VIII, qui vivait vers la fin du IXe siècle, pria Annon, évêque de Frisingue, dans la haute Bavière, de lui envoyer un bon orgue, avec un homme capable de le bien gouverner. C'est probablement le premier instrument de cette nature qui ait été en usage dans les églises de Rome.

     De la capitale de la chrétienté l'art de construire les orgues s'étendit bientôt au reste de l'Italie, et il paraît que les moines devinrent fort habiles en cette partie. On cite en particulier les religieux de l'abbaye de Bobio, dans le Milanais.

     Vers l'an 986, Gerbert, abbé de ce monastère, un des plus grands mathématiciens de son temps, devenu depuis le pape Sylvestre II, reçut une lettre de Gérard, abbé d'Aurillac, dans la haute Auvergne, qui avait eu soin de son éducation, pour lui demander un orgue et un religieux qui serait chargé de la conduite de cet ouvrage. Cette correspondance de Gerbert, qu'on retrouve dans les Annales de Dom Mabillon, prouve que, dans le Xe siècle, les orgues d'Italie avaient de la réputation et qu'elles étaient connues en France.

     Cependant le premier orgue de France dont on ait une connaissance bien assurée, ne remonte pas au delà du XIIe siècle ; il se trouvait dans l'abbaye de Fécamp. On en lit une courte description dans une lettre que Baudry, Archevêque de Dol, écrivait aux religieux de cette abbaye, et dans laquelle il prend même la défense de cette nouveauté contre certaines gens, dit Dom Bedos, qui, n'étant pas en état de se procurer de semblables instruments, trouvaient à redire qu'on en eût introduit l'usage dans les églises.

     Il paraît que cet usage a commencé plus tôt en Allemagne et en Angleterre qu'en France. Vers le milieu du Xe siècle, on cite un orgue considérable établi dans l'église de Westminster. Vers la même époque, il existait des orgues dans les églises de Sainte-Pauline, à Erfurt, et dans celle de Saint-Jacques de Magdebourg. Vers le milieu du XIe siècle, il en existait un très- remarquable dans l'église d'Halberstadt, etc.

     Pour ce qui est du nombre et de la qualité des jeux dont les anciennes orgues étaient composées, on l'ignore complètement ; tout ce qu'on peut dire avec quelque certitude, c'est que l'orgue de Charlemagne imitait le bruit du tonnerre, l'harmonie de la lyre et le son perçant de la cymbale, et que celui de l'abbaye de Westminster, dans le Xe siècle, était composé de 400 tuyaux.

     Cependant ce n'est guère qu'au XVe siècle que l'orgue, tel que nous le concevons aujourd'hui, fut définitivement constitué. Ce fut alors seulement qu'on entendit parler des jeux de 32 pieds, de 16 pieds, de 8 pieds et de 4 pieds ou prestant, du nazard ou quinte, de la fourniture, de la trompette et de la voix humaine, etc. Tous ces jeux se trouvaient réunis dans un orgue de Gothingue, construit dans le XVe siècle, et qui subsistait encore en 1615. On peut donc regarder le XVe siècle comme l'époque où l'on a commencé à augmenter et à perfectionner l'orgue, en un mot, à faire dans la construction de ces instruments des progrès sensibles. C'est aussi dans le XVe siècle que les orgues se multiplièrent ; on en faisait beaucoup de toutes les espèces.

     Il est difficile de concevoir, comme le remarque Dom Bedos, qu'il fallût à l'orgue de Westminster, composé seulement de 400 tuyaux, 26 soufflets mis en jeu par 70 hommes vigoureux, tandis que, aujourd'hui, nous faisons jouer un orgue de 3 à 4,000 tuyaux avec un ou deux souffleurs.

     C'est encore au XVe siècle que Gerson, cité par M. de Saint-Blaise, témoigne que l'usage de l'orgue, tel qu'on était parvenu à le construire depuis peu de temps, c'est-à-dire avec des tuyaux de plomb et d'étain et des claviers qui jouaient sans effort et par le seul mouvement des doigts, n'avait rien que de raisonnable, et que c'était le seul instrument de musique que l'Église eût retenu pour l'office divin.

     Nous ne pousserons pas plus loin ces détails historiques, qui s'appliquent plutôt à la connaissance de l'instrument proprement dit qu'à son architecture. Les personnes qui voudraient étudier l'histoire de l'art pourront consulter avec fruit le livre précédemment cité de Dom Bedos3.







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