PLANCHE VI.
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Je sais par l'expérience que j'en ai faite, qu'il n'est pas facile de se procurer les moules tels que je viens de les décrire. Les Fondeurs qui n'ont aucune connoissance de toutes les dimensions qu'il est essentiel de donner à ces noyaux, & de la position de leurs broches, y manquent toujours. Il est d'ailleurs rare dans les Provinces de se trouver à portée d'un habile Fondeur, capable de bien faire ces moules. Je crois donc qu'il est à propos de donner les expédients convenables pour les faire faire par les Fondeurs médiocres.Toute la difficulté consiste à faire soi-même le modele ; lequel étant bien fait, tout Fondeur le moulera, le fondra & le réparera aisément. Pour faire ce modele, voici comment on pourra s'y prendre.
On fera d'abord les noyaux sur le tour en bois dur, auxquels on donnera les dimensions & la forme exactement semblables à ceux qui sont représentés dans la Planche VI : on y posera les deux broches en fer, ensorte qu'elles tiennent bien. Le tout sera très-uni : on fera une moitié du moule en plâtre, lequel étant encore mou, on y enfoncera justement à moitié & avec beaucoup de soin les cinq noyaux de la fig. 49, après les avoir mouillés avec de l'huile. Le plâtre étant bien pris, on ôtera tout doucement les noyaux, & on dressera exactement toute la surface de ce moule. On y remettra les noyaux ; & si l'on s'apperçoit, comme il est ordinaire, qu'ils ne soient pas enfoncés justement à moitié, on corrigera [p. 26.] ce défaut en creusant un peu le plâtre pour ceux qui ne seront pas assez enfoncés, ou on en remettra pour ceux qui le seront trop ; & si en ôtant les noyaux, on avoit écorché ou écorné quelque endroit, on le réparera avec du nouveau plâtre. Cette moitié du modele étant bien dressée, bien unie, & les noyaux bien placés comme il faut & bien arrangés, on mouillera légérement avec de l'huile toute cette surface, tant du moule que des noyaux ; on mettra du plâtre par-dessus pour faire l'autre moitié du modele. Le plâtre étant devenu suffisamment dur, on séparera les deux pieces avec beaucoup de précaution ; on ôtera les noyaux ; & au cas qu'il y eût quelqu'endroit du plâtre enlevé, on en remettra bien proprement. On doit faire ce modele bien plus épais qu'il ne faut, & on n'y fera point de charniere. Il arrive presque toujours qu'on est obligé de refaire la premiere moitié du moule de plâtre, a cause qu'il a été presque impossible d'y bien arranger les noyaux de bois, & qu'il a fallut ôter du plâtre en certains endroits & en remettre dans d'autres, pour enfoncer plus ou moins ces noyaux, comme je l'ai déja dit ci-dessus. Ainsi lorsque la seconde moitié sera faite, on refera la premiere sur la seconde, les noyaux y étant & ayant mis de l'huile, &c.
Ce modele en plâtre étant bien sec, on en moulera chaque moitié séparément en sable, ou bien on fera faire cette opération par un Fondeur, pour le jetter en plomb, qu'on unira parfaitement & qu'on réparera avec beaucoup de soin. C'est alors qu'on fera séparément la charniere en plomb ; on la soudera aux bouts du moule. On fera les queues qu'on soudera aussi en leur place. On fera le trou du repere dans lequel on fichera la cheville de fer. Le tout étant bien fini & ajusté, comme s'il devoit servir, & ayant même ôté une partie des épaisseurs superflues, le modele sera fini. On fera bien attention que toutes les arêtes du dedans soient conservées bien vives.
Cependant il convient de s'assurer plus particuliérement que ce modele soit bien fait en dedans. Pour cela, on y mettra les broches, & on y coulera de l'étain fondu, pour y faire des noyaux d'étain, lequel ne fondra pas le plomb ni ne s'y attachera pas, pourvu qu'on ait la précaution d'enfumer ou noircir exactement tout le dedans du moule à la fumée d'une chandelle de résine, & que l'étain ne soit pas plus chaud qu'il ne faut pour bien couler. On verra alors si les noyaux sont bien faits, bien ronds, s'ils se détachent aisément du moule. Si l'on y apperçoit du défaut, on retouchera au-dedans du moule aux endroits convenables, jusqu'à ce que les noyaux soient parfaits.
Le modele étant reconnu bien fait, on ôtera le clou de la charniere, & on le fera mouler par un Fondeur. Lorsqu'il l'aura jetté en cuivre bien jaune & bien doux, on le limera en dehors, on le réparera en dedans, on le rendra bien uni, avec des Rifloirs, des Ciselets, ou des Gouges, &c. On aura soin de conserver toujours les arêtes du dedans bien vives, & que les noyaux sortent aisément. On y en fondra plusieurs fois, & on retouchera au dedans du moule jusqu'à ce que les noyaux le fassent bien. On prendra garde de faire le moule suffisamment épais ; autrement il arriveroit que la chaleur le feroit envoiler lorsqu'on s'en serviroit.
Il faut remarquer que les pieces qu'on jette en fonte deviennent [p. 27.] toujours un peu plus maigre que le modele. C'est pourquoi il est nécessaire de laisser celui-ci un peu plus épais qu'il ne faut.