CLAVIER.


APRÈS avoir décidé sur les mérites ou les défauts de chaque jeu, concernant leur effet et leur construction, l'on aura encore à faire les épreuves suivantes sur les claviers.

     1o Dans l'inspection faite sur chaque jeu séparément, l'on remarque quelquefois des sons qui ne se doivent pas produire ; comme par exemple, lorsqu'on touche deux notes, il se fait entendre le son d'une troisième, qui est contiguë. Cet effet, que l'on appelle en terme d'organiste emprunt, doit être considéré comme un défaut très-grave, attendu qu'il en résulte une fausse harmonie, et il prouve que la gravité de cette faute tient à la mauvaise confection des sommiers, dont la responsabilité doit peser entièrement sur le facteur.

     Si l'existence de ce défaut est prouvée, mais que l'on ne puisse reconnaître si on doit l'attribuer aux gravures ou aux chappes, alors, pour s'en assurer, on opère de la manière suivante :

     On pratique une petite ouverture au-dessous du sommier, et au travers du flipot de la gravure sur laquelle se trouve placé le tuyau qui produit le faux son, et on y applique le pèse-vent, en remarquant si, quand on ouvre la soupape de la gravure voisine, la colonne d'eau monte sensiblement vers les degrés de sa division ; alors c'est la preuve certaine que l'air comprimé pénètre dans la gravure pendant que sa contiguë est ouverte. Mais si, au contraire, la colonne d'eau n'éprouve aucune ascension, alors ce défaut se trouve incontestablement dans les registres et les chappes.

     2o Malgré toutes les épreuves précédentes, il peut arriver parfois que l'on n'entende aucun cornement dans l'Orgue, et néanmoins il peut exister une perte de vent considérable dans les registres et les chappes des sommiers ; alors pour découvrir l'existence de ce défaut, on ferme tous les registres de l'Orgue, on fait mettre en mouvement la soufflerie, et l'on presse toutes les touches en étendant les deux avant-bras sur le clavier. Si pendant cette opération l'on entend un bourdonnement, un sifflement ou bruit quelconque, alors on est assuré qu'il n'est occasionné que par une grande perte de vent très-nuisible à l'instrument.

     On peut également faire presser les touches du clavier par une autre personne, afin d'apprécier par soi- même, dans l'intérieur de l'Orgue, s'il y règne un parfait silence ou s'il s'y fait entendre quelques sifflements d'air. Dans ce dernier cas, on peut être convaincu de la présence du défaut ; et si l'on désire se rendre compte de la perte du volume d'air, dans un certain temps donné, on remplit un des soufflets (en tenant toujours les registres fermés), et l'on remarque le temps qui s'écoule pour le vider, mais sans toucher le clavier. Après, on répète la même opération pour observer sa marche, en pressant les touches de la manière qui a été expliquée, et on fait le calcul suivant :

     Par exemple, si un soufflet de 8 pieds de longueur sur 4 pieds de largeur, et dont le mouvement d'ouverture se fait sur trois sens, à la hauteur de 20 pouces, contient 36 pieds cubes d'air, si un semblable appareil fournissait du vent pendant 4 minutes sans toucher au clavier, il subirait, dans l'espace de ces 4 minutes, une perte de vent évaluée à 62,208 pouces cubes d'air, qui, divisés par le nombre 4, donnent le résultat de 15,552 pouces cubes par minutes ; si ce même soufflet fournissait du vent seulement pendant 3 minutes, lorsque les touches se trouvent toutes abaissées, alors le résultat de la perte du vent, étant de 62,208 pouces cubes divisés par le nombre 3, serait égal à 20,736 pouces cubes par minute.

     Par conséquent, la différence entre 20,736 pouces cubes et 15,552 étant de 5,184 pouces cubes, ce sera la perte réelle d'air pour chaque minute, occasionnée par la mauvaise confection des sommiers.

     On peut également reconnaître de cette manière, la perte du volume d'air des sommiers de pédale.

     3o Parfois on entend quelques cornements sans toucher le clavier  cette faute provient des soupapes mal construites ; mais pour prononcer sur ce défaut, il faut, avant tout, bien examiner s'il n'y aurait pas quelque parcelle de bois, ou autre matière, qui s'oppose à la libre fonction des soupapes. Dans cette supposition, on aura soin de bien les nettoyer et de les soumettre à une nouvelle épreuve, pour juger si ce défaut ne provient pas du mécanisme, qui peut avoir trop de tension, et si ces deux causes ne contribuent en rien à cette défectuosité ; alors on est certain que la faute n'est attribuable qu'à la confection des soupapes.

     4o On doit examiner si les claviers de l'Orgue sont généralement bien placés et dans une position commode pour l'organiste, ainsi que le clavier des pédales, qui doit être placé de manière que sa traverse se trouve en ligne perpendiculaire au second clavier ; et si la hauteur du siége de l'organiste est propice, et permet à celui-ci de pouvoir atteindre la première et la dernière touche de la pédale avec ses pieds, sans être forcé de faire des mouvements de corps. Pour que la hauteur du premier clavier à main soit convenable, elle doit être déterminée de telle sorte que l'avant-bras de l'organiste, depuis le coude jusqu'à l'extrémité de sa main, décrive une petite inclinaison.

     On doit bien examiner si toutes les touches du clavier fonctionnent avec égalité, légèrement et librement ; et dans cette épreuve on ne doit pas mettre en mouvement la soufflerie : on jugera par ce moyen de la force des ressorts des soupapes, qui doit être presque insensible.

     Les touches de pédales peuvent néanmoins fonctionner avec un peu plus de résistance, sans nuire à leur égalité.

     On doit aussi remarquer si, en parcourant avec rapidité les touches (toujours sans vent), leur mouvement se fait sans bruit ni claquement, ce qui pourrait être nuisible aux sons des flûtes.

     Si, dans ce cas, il existait un pareil défaut, il serait nécessaire de le détruire par tous les moyens possibles, en corrigeant le mécanisme par les réparations nécessaires.

     5o Il est urgent aussi d'inspecter si les vis, les vis d'accouplement du mécanisme et les crochets sont en bon fil de laiton.

     6o Il faut examiner si la registrature de l'instrument est établie d'une manière convenable et commode pour l'organiste, et si le mouvement des tirages de ses bâtons est égal en légèreté et en longueur. De plus, ils doivent être munis chacun d'un bouton de bois sur lequel est incrustée une petite plaque en porcelaine portant le nom du jeu.

     7o Le mécanisme des accouplements des claviers en général doit être construit de manière que l'organiste puisse les mettre en action sans s'arrêter dans l'exécution de son jeu.

     8o Il est nécessaire de reconnaître si l'architecture du buffet de l'Orgue a été exécutée conformément et fidèlement, en la comparant aux plans et devis.








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