SOUFFLERIE.


POUR la soufflerie, il faut remarquer :

     1o La grandeur et la construction des soufflets ; si leurs tables sont construites simplement en planches ou à panneaux.

     2o Si leur garniture est d'une solidité suffisante et en poids convenable.

     3o Si leurs plis sont fixés aux tables avec des cordes préparées et faites avec des nerfs de cheval. Ces espèces de charnières doivent être placées à la distance de 3 pouces à 3 pouces sur la largeur, et de 6 pouces à 6 pouces sur la longueur de la table du soufflet.

     4o Il y a de plus à examiner si toutes les jointures des panneaux sont bien garnies de peau, et si les tables des soufflets sont entièrement tapissées de papier dans leur intérieur.

     5o Et aussi si les tables supérieures des soufflets se trouvent munies de fortes traverses en bois, pour qu'ils puissent convenablement supporter leur charge.

     6o Si la charpente de la soufflerie est solidement construite, et en rapport avec l'effort qu'elle doit supporter, afin qu'elle ne subisse aucun mouvement.

     7o Si la table supérieure du soufflet, étant dans toute son ouverture, se trouve dans une position bien horizontale.

     8o Si un homme d'un poids moyen peut mettre les soufflets en mouvement d'un seul coup, par son propre poids, sans employer la force des bras. Dans le cas contraire, il faut changer le point d'appui du levier ; car, si les soufflets sont trop lourds à mettre en mouvement, il en résulte de la fatigue pour le souffleur, et des saccades dans la soufflerie qui ont toujours, sur les sons de l'Orgue, une influence très-nuisible.

     9o Si les poids des soufflets sont fixés de telle sorte, qu'ils ne puissent ni s'enlever ni se déplacer ; attendu que par le moindre dérangement ou diminution de leur charge, toute intonation et tout accord de l'Orgue se trouveraient entièrement détruits.

     10o Porter toute l'attention sur la construction des grandes soupapes d'aspiration ; et s'il existait quelques fuites d'air, on peut facilement le reconnaître aux légers sifflements qu'elles laissent échapper, ou encore on peut en juger en approchant la main près des soupapes.

     11o L'on doit encore vérifier s'il n'y a aucune perte dans la soufflerie. Pour cette vérification, il faut que l'on puisse isoler tous les soufflets de l'Orgue ; mais cette opération ne peut avoir lieu que dans les Orgues à plusieurs claviers, attendu que dans celles-ci seulement doivent se trouver des soupapes dites isoloires (1). A cet effet, on ferme toutes les soupapes et l'on opère de la manière suivante :

     On fait fonctionner les soufflets l'un après l'autre, et l'on observe exactement le temps qu'il leur faut pour se vider : on jugera par ce moyen de la bonne confection d'un soufflet, d'après le résultat que l'on a obtenu par une expérience bien précise qui a été faite en Allemagne, et dont voici le calcul.

     En 1825, on a placé une soufflerie dans l'Orgue magnifique de la cathédrale de Weimar, sous la direction du célèbre M. Toepfer. Les soufflets ont 12 pieds de longueur sur 6 pieds de largeur, s'ouvrent à la hauteur de 28 pouces contenant 62 pieds cubes d'air, et compriment le vent à 36 degrés. Le temps qu'ils employaient alors pour se vider était de 16 minutes et demie (les soupapes isoloires (2) étant fermées) ; la perte du vent, qui avait lieu par les pores de la peau et du bois, a été constatée de 108 pouces cubes par seconde ; et lorsque l'on a essayé les soupapes isolatoires, ouvertes en sorte que le vent pût arriver jusqu'aux sommiers, alors chacun de ces soufflets n'employant que 7 minutes de temps pour se vider, il en résultait que la perte de vent était de 256 pouces cubes par seconde.

     La même opération ayant été renouvelée en 1843, après avoir fonctionné pendant 18 ans, l'on a reconnu exactement le même résultat, sans que, pendant ce long espace de temps, l'Orgue eût subi la moindre réparation. D'après cet exemple, on peut se convaincre facilement de l'excellence d'une soufflerie confectionnée et exécutée avec tous les soins que réclament des instruments d'une si haute importance.

     12o Il est d'une urgence indispensable que le parcours du mouvement de la table mobile de chaque soufflet se fasse avec une douceur régulière et sans aucune oscillation ni saccade ; dans le cas contraire, on trouvera facilement la cause de ce défaut de la manière suivante.

     13o On applique le pèse-vent au grand-porte-vent-réservoir, afin de reconnaître si tous les soufflets qui fournissent l'air à ce porte-vent le compriment chacun, l'un après l'autre, au même degré, c'est-à-dire de 36 à 40 degrés, qui est la pression la plus convenable pour un bon effet d'Orgue.

     Il faut aussi s'assurer si ce degré de pression est invariable pendant le mouvement du soufflet, depuis toute l'étendue de son ouverture jusqu'à sa fermeture complète. Si, dans ces deux opérations, l'on aperçoit la moindre variation du pèse-vent, il faut absolument que le facteur subisse toutes les conséquences de correction, jusqu'à la parfaite exécution.

     14o On peut répéter ici un des essais déjà faits, en touchant en plein Orgue un grand accord, principalement dans les Basses, que l'on accompagne avec les pédales ; afin de se rendre compte pour combien de temps un seul soufflet peut alimenter l'instrument. Par ce résultat, on peut calculer si la soufflerie entière peut suffisamment alimenter tous les jeux de l'Orgue dans sa plus forte dépense d'air.

     15o On doit également vérifier les contre-ressorts ou régulateurs de chaque soufflet, pour reconnaître si l'on a employé du bois convenable et qui puisse conserver leur élasticité.

     16o Il faut examiner si les gosiers des soufflets dans lesquels se trouvent les soupapes sont d'une dimension bien combinée, afin que les soupapes puissent permettre le passage de l'air avec le moins de résistance possible.

     Si, dans la vérification des jeux de l'Orgue, on remarque une dépression de vent, c'est sur ce point qu'il faut décider si le défaut est occasionné par les soupapes des gosiers, totalement ou en partie.

     A cet effet, on applique le pèse-vent sur le grand porte-vent de l'Orgue et tout près du gosier que l'on veut examiner. On fait mettre en mouvement le soufflet, et on remarque avec attention le degré de la pression ; puis, sur un signal donné par le vérificateur, une autre personne touchera, sur le premier clavier à main, un grand accord dans les octaves graves, avec accouplement de pédale, que l'on soutiendra tant que le soufflet pourra fournir du vent : au même instant on verra si la colonne d'eau du pèse vent subit quelque changement, et de combien de degrés. Dans un endroit aussi près du gosier, le changement de pression d'un degré tout au plus, peut être excusable ; mais un changement plus sensible est à considérer comme une faute grave, qui doit être réparée par des gosiers d'une dimension plus grande, et par des soupapes mieux confectionnées.

     On peut opérer de la même manière pour les pédales qui ont des souffleries particulières, ce qui se trouve quelquefois dans les Orgues de grande importance.

     Pour se convaincre de la précision des soupapes, il est nécessaire de mettre en mouvement un soufflet, et, après un instant, d'ouvrir doucement les soupapes d'aspiration des autres soufflets ; si dans cette opération on s'apercevait de quelque résistance, cela prouverait d'une manière évidente que l'air pénètre par les soupapes des gosiers, et par conséquent le défaut proviendrait de la mauvaise exécution des soupapes.

     En faisant cette épreuve de manière impartiale à l'égard du facteur, il ne faut jamais oublier d'ouvrir les soupapes d'aspiration de chaque soufflet, afin de laisser un libre court à tout l'air comprimé qui pourrait encore se trouver dans leur intérieur, et de pouvoir opérer un instant après avec pleine certitude.





Notes :

(1) Elles servent dans le cas d'accidents imprévus qui peuvent arriver en jouant de l'Orgue ; par elles on a l'avantage de pouvoir aussitôt isoler le clavier qui serait dérangé, et de continuer l'exécution de la musique sur les autres claviers, sans aucune entrave.

(2) Ce genre de soupapes dites isoloires, est généralement usité dans la confection des Orgues, système allemand ; elles se trouvent appliquées au grand porte-vent de chaque clavier, et peuvent être mises en action par un registre.








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